jeudi 16 décembre 2010

Les parents-rois

Voici un petit billet à saveur sociale que je tenais à écrire depuis un bout. Je profite du fait que j’ai déjà un blogue pour insérer ce petit texte ici, même s’il n’a aucun lien avec l’univers du cinéma ou de la télévision.

En passant, étant donné que je n’ai pas d’enfants, j’étais plus ou moins à l’aise d’écrire ce billet, par peur qu’on me dise : mais tu ne sais pas de quoi tu parles! Toutefois, je me suis dit que si je l’avais écrit en ayant des enfants, j’aurais peut-être eu l’air de la maman ‘’parfaite’’ qui tente de faire la morale… donc, disons simplement que j’émets une opinion en tant que simple observatrice d’un nouveau phénomène social…

Il y a quelques années, je suis tombée sur l’article suivant dans le journal Le Devoir :

http://www.ledevoir.com/societe/education/131550/les-parents-rois-s-installent-a-l-ecole

On y parle d’une augmentation de nombre de parents-rois, également appelés parents ‘’Moi, mon enfant’’. Ces derniers sont prêts à tout pour que leur petit chéri s’épanouisse et évolue dans un environnement qui va favoriser de façon optimale son développement, et faire de lui l’enfant parfait. Ce sont des parents très exigeants, puisqu’ils font peu confiance aux personnes et institutions qui prennent leur enfant en charge lorsqu’ils sont au travail. Il ne faut rien qui puisse de près ou de loin nuire à l’épanouissement de leur petit trésor, et ils ont tendance à le surprotéger pour éviter qu’il lui arrive quoi que ce soit de malheureux.

En lisant cet article, je me suis dit : Enfin!!! Quelqu’un d’autre a noté ce phénomène désagréable!

Voici un extrait de l’article qui m’a particulièrement marqué, et qui décrit très bien ce qu’est un parent-roi :

‘’ Pour les écoles, les retards du matin sont devenus une véritable plaie: dans une classe de deuxième année, 20 minutes après la cloche du matin, ce n'est toujours que la moitié des enfants qui est au poste, l'œil à peine entrouvert. Les autres sont tout simplement... en retard, étirant leur entrée sur une demi-heure, parfois une heure, et bouleversant du coup la routine matinale. Au secrétariat de l'école, les parents font la file le matin pour justifier le petit retardataire. «Excusez mon fils, nous avons fait des crêpes ce matin. Il en voulait et ç'a été plus long que prévu.» ''

Quel genre de message ces parents envoient-ils à leurs enfants? C’est correct d’être en retard, tu sais, petit, ce n’est quand même pas ton professeur qui va te dire à quelle heure tu dois arriver! Nous consolidions notre relation parent-enfant en faisant des crêpes ce matin et nous avions beaucoup de plaisir, d’autant plus que c’est toi qui a proposé d’en faire, signe que tu as de l’initiative! Ça indique que tu es un enfant épanouis qui se développe bien…

Ca va être beau, ça , plus tard, sur le marché du travail. ‘’Excusez mon retard, boss, j’ai préparé un super gros déjeuner à ma blonde ce matin, et ça été plus long que prévu…’’

Personnellement, j’ai eu une enfance très gâtée pourrie. Mon frère et moi, on avait plus de cadeaux à Noël que tous nos amis, et mes parents étaient toujours très présents, à l’écoute de nos moindres besoins. Malgré cela, quand c’était le temps de s’habiller pour aller à l’école le matin, même si ça ne faisait pas notre affaire, bien on était forcé de s’y rendre à l’heure, à moins de faire 40 de fièvre. ‘’Tu écoutes le professeur!..’’ nous répétait mon père. Même chose pour les cours de natation, que je détestais pour mourir au début… Mon père : ‘’Tu vas terminer ta session, et tu verras après si tu veux continuer. Mais tu la termines.’’ Et une dizaine d’années plus tard, j’étais sauveteuse. Il ne s’est pas demandé si ça me traumatiserait à vie de me pousser à continuer le cours, même si je braillais.

Je n’apprends rien à personne quand je dis qu’il faut inculquer aux enfants la notion de ‘’discipline’’ et de ‘’cadre’’, et que c’est nécessaire qu’ils apprennent tôt dans leur développement que dans la vie, c’est eux qui doivent se plier aux règles des institutions qu’ils fréquentent, et non l’inverse. Dans l’article du Devoir, l’auteure parle de ''l'école à la carte'' lorsqu’elle décrit les nombreuses demandes farfelues que les parents adressent aux professeurs et aux directeurs pour accommoder leurs petits chéris. Un parent est même allé jusqu’à demander au professeur de changer le C du bulletin en comportement pour un B afin que son enfant puisse être admis à un examen pour entrer à l’école privée.

Je ne suis pas enseignante au primaire ni éducatrice en garderie (ceux et celles-là doivent en avoir, des histoires de parent-roi à raconter…), mais j’ai toujours eu beaucoup de jobs d’été où j’étais en contact avec les enfants (et avec leurs parents). Je me permets donc de relater quelques anecdotes.

J’ai été secrétaire dans une école de danse et je recevais régulièrement des parents dans mon bureau, pour les inscriptions et répondre aux questions quand la directrice donnait les cours. Certains parents venaient me voir :

-Pour le spectacle de fin d’année, Magalie (6 ans) devra-t-elle vraiment rester en arrière scène pendant DEUX HEURES avec les parents-bénévoles?... J’aimerais beaucoup être avec elle durant ce temps, parce qu’elle va surement s’ennuyer… et s’il arrivait quelque chose?

(Mais bien sûr, Madame, allez-y, vous n’êtes pas la seule à avoir fait la demande et autant de parents-bénévoles que d’enfants, c’est vraiment génial côté logistique pour le spectacle…)

Également, j’ai remplacé à deux reprises lors de cours Aqua-Bébé (les parents accompagnent leurs enfants dans l’eau), ce qui m’a permis d’observer quelques comportements de parents-rois. Par exemple, le petit garçon a un ‘’ballon’’ dans le dos, et au niveau où il est rendu, il n’est plus supposé en porter (aucun des autres enfants n’ont de flotteurs). En plus, ce n’est pas un équipement aquatique qui est approuvé par la Société de Sauvetage (ai-je appris dans mes cours). Donc, je demande gentiment au papa d’enlever le ballon en lui expliquant tout ça et anyway, il est là pour le tenir, son kid. Le monsieur me regarde comme si j’avais giflé son fils : ‘’Il l’enlèvera quand il se sentira PRÊT à l’enlever.’’ C’est là que j’ai réalisé que je n’avais pas ce qu’il fallait pour dealer avec ce genre de situation. Avec ce genre de parent.

Je ne dis pas que la grande majorité des papas et des mamans sont comme ça de nos jours. N’étant pas parent moi-même, ce serait très effronté de ma part de prétendre ça. Toutefois, je pense sincèrement que le phénomène de parent-roi
s’accentue avec les années.

Une explication?

Dans les années 50-60, il y avait tellement d’enfants par foyer que les parents avaient beaucoup moins de temps à consacrer à chacun, et en général, je crois qu’une plus grande confiance était accordée aux professeurs, éducateurs, gardiens et moniteurs qui s’occupaient des kids lorsqu’ils étaient en-dehors de la maison. L’autorité à l’école était plus rarement contestée et lorsque c’était le cas, bien l’enfant avait droit à un bon ptit coup de règle sur les doigts pour le remettre sur le droit chemin. Et les parents trouvaient en général normal ce genre de pratique, puisqu’ils avaient été élevés semblablement. Je ne dis pas que c’était mieux dans ce temps-là qu’aujourd’hui, étant donné que l’immense confiance accordée aux ‘’gardiens d’enfants’’ a donné lieu à de nombreux cas d’abus.

Dans les années 70-80, la grande diminution du nombre d’enfant par foyer a donné lieu à ce qu’on appelle les enfants-rois (aussi appelée génération passe-partout). Les parents qui on été élevés dans la rigidité veulent en général donner plus à leur enfant qu’ils n'ont reçus, étant donné qu’ils en ont davantage la chance (moins de kids à s’occuper). Ils veulent que leur enfant ait tous les outils pour développer son plein potentiel, ils le gâtent, le chouchoutent, et l’inscrivent à des cours de danse, de natation, de soccer, de judo… Des émissions pour enfants à vocation très éducative font leur apparition, afin que les bouts de chou puissent être stimulés tout en apprenant lorsqu’ils regardent la télévision. Également, les moyens de communication évoluent, ce qui fait que davantage d’information peut être transmise quant à l’éducation et aux soins à donner à leur petit, ce qui crée déjà un léger esprit de compétition chez les parents (‘’Quoi, tu n’allaites pas??? Les recherches ont montré que …).

Aujourd’hui, avec Internet, les parents sont sans cesse bombardés d’informations quant aux meilleurs soins à donner à leurs enfants. Et je ne parle pas ici que des sites informatifs dont le contenu vérifié par des spécialistes. Je parle également des nombreux forums de discussion où les parents peuvent échanger par rapport à ce qu’ils vivent quotidiennement, des trucs que se donnent les mamans dans les conversations Facebook, des questionnements et inquiétudes dont un parent fait part sur Twitter... Oui, c’est bien d’échanger avec ses amis parents, mais la surabondance de l’accès aux opinions et conseils de tout le monde peut créer selon moi davantage d’inquiétude que d’apaisement (sans parler de l’espèce de climat de compétition qui s’installe). Personnellement, à chaque fois que j’ai utilisé Internet pour trouver une explication plausible à un mal que j’avais, Google me diagnostiquait un cancer… J’imagine la réaction d’un papa qui se fait dire par une maman sur Internet : ‘’ Mon fils a les mêmes symptômes que le tiens, et il est présentement en chimiothérapie…’’ Après cela, on se demande pourquoi les parents s’inquiètent autant pour leurs petits, de nos jours…

En terminant, voici un extrait du blogue de notre ami Richard Martineau (j’aime le lire de temps à autres, ça me défoule…), où il parle du fait que les cours de sexualité reviendront dans les écoles en septembre 2011, après 10 ans d’absence :

‘’Autre question: le monde est de plus en plus éclaté, de plus en plus diversifié...

Comment parler de sexe à l'école sans offusquer certains parents?

Après tout, chaque famille a ses valeurs...

Ce qui me semble anodin peut choquer mes voisins, et vice-versa.

On fait quoi, dans ce contexte?

Décidément, le gouvernement s'engage sur un terrain très, très glissant...

C'est encore pire que de parler de religion! C'est plus explosif, plus délicat...

Après tout, un parent a le droit de dire:

"Je ne veux pas que mes enfants apprennent des choses qui vont à l'encontre de mes valeurs! Je ne veux pas que l'école contredise MON enseignement, MA morale... Je ne veux pas que mon enfant revienne à la maison tout mêlé..."

Pas simple, pas simple... ‘’

M. Martineau parle ici d’un nouveau monde plus diversifié et plus éclaté. C’est certain qu’il signifie ici en partie les communautés ethniques, qui sont davantage présentes qu’avant. Toutefois, je suis persuadée qu’il parle également des parents-rois québécois (MON enseignement, MA morale…).

Personnellement, j’ai eu des cours de sexualité à l’école à partir de la sixième année du primaire, et de mémoire, ça n’a jamais posé de problème dans mes classes… L’enseignement de la sexualité était intégré dans un cours appelé ‘’Formation Personnelle et Sociale’’, dans lequel on apprenait, entre autres, que c’était normal d’avoir des boutons ainsi que du poil au niveau des organes génitaux et qu’il fallait porter un condom. Je ne vois aucun problème là-dedans. Mais si on se fie au billet de M. Martineau, on en est rendu à s’inquiéter à l’avance de la réaction des parents à l’annonce du RETOUR des cours de sexualité dans les écoles.

Si ça ce n’est pas un signe de l’évolution d’un nouveau phénomène social…



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Que vous soyiez d'accord ou pas avec ce que j'ai écrit plus haut, j'aimerais bien entendre vos commentaires... parce que c'est une question qui peut mener à un débat intéressant.

Et je viens de me rendre compte que ce billet me met une certaine pression en ce qui a trait à l'éducation que je donnerai à mes enfants plus tard... je ne devrai en aucun cas manifester de comportement de parent-roi afin ne pas me contredire.
Ce ne sera peut-être pas facile! ;)

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